En ce début d’année et précisément, en ce 08 janvier 2011, j’ai fait un retour aux sources, j’ai foulé pour la seconde fois en près d’une décennie la terre qui m’a vu naître. Ce qui m’a paru original dans ce voyage plein d’émotion est le fait d’être atterri à l’aéroport international de Lomé. Lors de mon premier voyage en 2007, j’ai fait le trajet Munich-Paris-Cotonou. J’ai continué par voie terrestre pour arriver tard dans la nuit à Lomé; cette voie semblait longue et me diriez-vous absurde (puisque j’aurai pu prendre un vol Munich-Paris-Lomé). Cependant, je n’avais pas le choix, et même si c’était éprouvante, il valait mieux pour moi d’arriver tard que jamais. Cette fois-ci, j’ai pris la voie la plus courte,le vol AF 860 a pris son envol aux alentours de 13h 50. L’appareil était plein à craquer,il faisait une ambiance bon enfant celle-ci m’a aidé à dissiper mon stress mes angoisses… Je n’aime pas être en altitude, en bon terrien, je n’aime pas du tout voler mais je suis appeler à voyager de plus en plus et je dois faire avec…Mathieu le jeune canadien qui était assis près de moi, et avec lequel j’ai tout de suite sympathisé l’a remarqué, lors du décollage, il a jeté un regard sur ma mine grave et a souri. Quelques heures après, je suis revenu à de meilleurs sentiments et j’ai échangé avec pas mal de voyageurs y compris M.Beckmann ambassadeur d’Allemagne au Togo. J’ai été surpris par le nombre de voyageurs qui allait à Lomé. Je me suis demandé l’intérêt que pouvait  encore représenter ce pays délabré? Il y aura sans doute d’autres raisons qui pousseront les gens à aller dans ce pays car, malgré tout, le Togo n’est pas encore devenu la Somalie.
Aux alentours de 19:25 GMT j’ai foulé  le sol de mes ancêtres. Ça fait une drôle d’impression de revoir son pays après quelques années…Le thermomètre affichait 27 degrés, je suis bel et bien en Afrique, le contraste est net, je suis à mille lieues du froid glacial bavarois.  Dans le Hall de l’aéroport, il y avait une longue file d’attente, je me mis dans la file en attendant mon tour pour les formalités d’usage; soudain, un policier s’avança vers moi et me proposa ses services… Bah quel genre de service me demanderiez-vous? Eh bien ici, tout commence par le système T entendez par là « TAMÉA » qui veut dire dans ma langue maternelle le dessus (pots de vin…) ici, l’on doit glisser un petit billet 5000 CFA ou 10.000. Je me suis prêté à ce jeu, ce sont comme on le dit ici à Lomé « les habitudes de la maison. » J’ai remis 10.000 F, l’équivalent de 15euros au policier, et je me suis vu conduit très rapidement au service d’immigration pour les formalités et plus tard au service de la douane. Les 10.000 même si ce n’est pas catholique, m’ont permis  de « brûler les étapes. » J’ai retiré mes deux valises non sans amertume, encore une fois, une de mes valises à été endommagée, décidément avec Air France j’ai du soucis à me faire … La dernière fois que j’ai pris ce vol pour Cotonou, quelle ne fut pas ma surprise de constater que mes valises n'étaient pas arrivées à destination. J’ai attendu 3 jours avant de retirer mes valises.
Cette fois-ci, je ne me suis pas fait trop de la bile, l’essentiel est de retrouver mes parents qui m’attendaient à la sortie de l’aéroport…
Je suis enfin sorti du Hall, je n’ai encore vu personne, je suis un peu perdu dans les méandres et puis soudain, je vois mon papa drapé dans un « Agbara » blanc puis c’est la fratrie presque, au complet, le sourire au lèvres. Ma maman n’a pas fait le déplacement, F. aussi, mais la présence des autres à l’aéroport m’a fait très chaud au cœur. Nous n’avions pas perdu de minutes, Brice, depuis quelques temps est devenu le « chauffeur » de la famille; après une demi-heure de route, nous sommes arrivés à destination. F. m’ouvrit grandement la porte tandis que ma maman est venue me faire de chaudes accolades,l’émotion était vive, me voici enfin parmi les siens. Mes petits-frères ont pris de l’âge, mes parents aussi, mon père ne s’est  véritablement pas remis de son accident, la démarche a un peu changé mais le vieux père n’a rien perdu de sa rigueur. Ma maman, quant à elle n’a rien perdu de son charme, de son sourire, on sent le poids de l’âge mais son gracieux regard traduit son éternel « Zen attitude. » J’ai aussitôt oublié ma fatigue due au voyage et j’ai  discuté avec tout le monde jusque tard dans la nuit.
Le lendemain, Bricio et moi sommes partis à la redécouverte de Lomé. Elle a pris des rides cette belle femme dont on comparait sa beauté et sa splendeur celle de la Suisse, mais elles sont loin le temps où Lomé resplendissait de mille couleurs. Lomé ressemble aujourd’hui à une femme laide, défigurée par des années de souffrances et d’élégies. Conscient de cette triste réalité ceux qui prétendent  gouverner ce petit pays tentent timidement de colmater des  brèches en mettant en œuvre une politique dite de « grands travaux. » Mais toutes ces « simulations »
paraissent dérisoires face à  la déliquescence de cette ville voire du pays tout entier. Lomé c’est aussi le Sanya land, ces motos made in China qui ont remplacées les fameuses Kawasaki, Yamaha Mate, les mobylettes…Une seule Sanya nourrit à peu près cinq personnes, les jeunes diplômés sans travail on du coup embrasser cette « carrière » dite de conducteurs de Zem (Zémidjan); le Zémidjan a fait son apparition au Togo dans les années 1990 lors du premier soulèvement des jeunes contre dictature du feu président Eyadema. La grève générale de 1992 qui a duré 9 mois, a donné un coup d’accélérateur à l’avènement de ce phénomène qui depuis est rentré dans les mœurs. Trouver facilement un Taxi à Lomé n’est pas chose aisée puisque les Zémidjan s’y sont multipliés à tel point que ce phénomène même s’il nourrit des milliers de bouche pose ou posera sûrement des problèmes de santé publique. Ici au Togo, il n’y a que trois choix qui s’offrent à la jeunesse, soit l’on devient conducteur de zem ou l’on rentre dans la police ou alors on devient guide touristique. D’ailleurs l’écotourisme se confond de plus en plus au sexe tourisme devenu l’apanage de quelques vicieuses et vicieux occidentaux qui viennent souvent « s’offrir une cure jouvence. » J’ai remarqué à Lomé une dépravation des mœurs sans précédent et un effondrement de la structure familiale due à la faiblesse de l’autorité parentale provoquée par la précarité de la situation dans laquelle vivent les togolais. En plus de la cherté de la vie qui étrangle le simple citoyen lambda, le délestage continue en dépit de l’inauguration de la nouvelle centrale électrique de plonger une grande partie de Lomé dans le noir.
Les loméens, somme toute les togolais n’ont plus le cœur à la fête, ils lassés d’une situation de crise qui dure depuis de années. Il y a un échec collectif de la part des politiques qui n’ont pas su privilégier l’intérêt supérieur de ce petit pays; la politique est devenue un business qui rapporte gros, la gestion du pays se fait dans une totale opacité pendant que la population se meurt dans l’indifférence de ces drôles de dirigeants… Malheureusement, c’est comme cela que se passe les choses ici, et ni la perceptible décrépitude du pays,  n’émeut guère les « autorités. » Et alors,  ce petit rectangle d’à peine 6millions d’âmes se meurt en silence; même le campus où j’ai passé quelques heures avec un de mes anciens profs du collège St Joseph, est dans un état piteux. Professeurs et étudiants se débrouillent comme ils peuvent, un étudiant m’a même dit qu’il faut, pour trouver une place dans les salles se lever dès l’aube pour pouvoir être sûr de s’asseoir décemment.
J’ai rencontré quelques rares amis, d’aucuns ont gravi les échelons, je pense à Marcel par exemple, à D. pour ne citer que ceux là, d’autres par contre, faute de soutien se démerdent comme de beaux diables  dans cet océan de misère. Pourtant, la richesse du sous -sol de  ce pays de 56.600km2 pouvait en principe rendre la population prospère. J’ai eu l’impression tout au long de ce séjour de voir 2 pays, avec deux 2 catégories de citoyens inégalement repartis: Il y a un Togo composé d’une poignée d’hommes et femmes qui  font main basse sur la richesse du pays et du coup dictent leurs lois au second Togo où misère, sanglots et cris de détresse constituent le lot quotidien.
Je quitte Lomé avec un fort sentiment de déception par rapport à l’état ce pays que j’ai tant aimé et que j’aime encore; de ce voyage j’en conserverai d’innombrables souvenirs. Ma seule consolation  a été de retrouver ma famille certes avec un bémol tout de même:deux voix manqueront toujours, celles de ma grand-mère et de mon grand-père partis récemment.
Au delà de l’aspect terrifiant du pays, j’ai aussi rencontré les coordinateurs locaux de mon association avec lesquels j’ai eu à discuter des projets en cours. Mon séjour arrive à son terme , le ciel est gris ce matin, je suis tendu, hier j’ai fait des pieds et mains pour proroger mon voyage sans succès,  plus de place à la date souhaitée m’a -t-on répondu. Je dois me résigner à l’idée d’un retour imminent, Lomé ne me chante plus certes mais elle constitue ma première référence, mon premier berceau. Ici, j’ai poussé mon premier cri à la vie, enfant, j’ai couru dans ces allées. Je suis foncièrement lié à cette ville, j’en ai d’ailleurs gardé bien de souvenirs c’est tout comme une grande histoire d’amour; mais en même temps, je dois retourner vers ce lointain pays dans lequel je demeurerai toujours étranger.  Ce soir je reprends l’avion pour l’Europe, je vais me retrouver encore une fois confronté au stress et à d’autres réalités  je le vis dès lors comme une habitude.
Les togolais, eux continueront à croupir sous la misère la plus inconcevable du monde mais ils doivent avoir aussi à l’esprit que le changement tant souhaité ne se réalisera pas de lui même, tout n’ira pas de soi,  c’est de leur détermination, c’est de leur clameur que tomberont les piliers sur lesquels se repose la dictature qui les empêchent de vivre dignement. La diaspora togolaise dont on dit qu’elle constitue la « sixième région » du Togo a un rôle majeur à jouer dans le développement et l’avènement d’un véritable État de droit au Togo. Les togolais de la diaspora et Dieu sait  qu’ils se comptent par milliers doivent agir, ici et maintenant pour ce pays meurtri.
Je vais finir ce récit de voyage par ce dicton de chez moi: Edumégnon mu sua ahoé wo (la beauté d’un pays hôte est inégalable ou incomparable à mère  patrie.)
J'ai espoir que ce vent de contestation qui souffle sur le Maghreb atteindra de si tôt les côtes du Golfe de Guinée.
De Mélo.